Démarche & Contexte

« Deux convictions fortes ont accompagné l’élaboration de ce guide consacré à l’évaluation fonctionnelle et multidimensionnelle dans la déficience intellectuelle.

 

La première conviction, qui a été expérimentée au sein même du groupe de travail* de rédaction de ce guide, est qu’il n’y a pas de bon accompagnement sans pluridisciplinarité, sans coopération, sans transversalité, dans l’acceptation des limites de sa propre discipline et dans la reconnaissance de la compétence des autres, et notamment celle des accompagnants professionnels et familiaux. L’articulation entre les différents acteurs du parcours de la personne, quel que soit son âge, est une nécessité. La deuxième conviction est qu’il ne peut pas y avoir d’accompagnement adapté aux aspirations et besoins spécifiques de la personne qui est un partenaire à part entière dans la construction de son devenir, sans avoir une photographie complète et objectivée des compétences et limitations de celle-ci. En effet, dès l’apparition des premiers troubles jusqu’à l’avancée en âge, le parcours d’une personne déficiente intellectuelle est marqué par des périodes charnières, des évolutions significatives favorables ou non, voire des ruptures, qui sont autant de moments critiques qui imposent de revisiter les stratégies de soin, d’accompagnement et d’orientation. C’est pourquoi cette question de l’évaluation a été abordée dans de nombreux chapitres dans le rapport de l’expertise de l’Inserm sur la déficience intellectuelle en 2016.

 

Ce guide de l’évaluation fonctionnelle et multidimensionnelle entend éclairer de façon très pragmatique les questions des professionnels : “Évaluer : Pourquoi ? Quand ? Comment ?”. C’est avant tout un ouvrage de recommandations argumentées, s’appuyant sur un descriptif détaillé de tous les outils d’évaluation disponibles
utilisés en pratique clinique et une analyse minutieuse de leurs qualités intrinsèques (validité, fiabilité, effet test re-test), des fonctions étudiées et du niveau de fonctionnement des personnes évaluées. Pour en faciliter la lecture, ce guide est organisé en principaux domaines à explorer parmi lesquels les échelles développementales, l’efficience intellectuelle, les compétences adaptatives, le langage, le développement sensorimoteur, les fonctions cognitives spécifiques, la cognition sociale, le comportement et la qualité de vie.

 

Ce guide constitue une véritable boîte à outils pour tous les professionnels qui ont une pratique d’évaluation d’enfants ou d’adultes avec une déficience intellectuelle, quelle qu’en soit le degré de sévérité. Il est une invitation à scruter sans relâche le champ des possibles, à analyser en profondeur les situations, qu’elles soient d’apparence simple, ou au contraire complexe, à ne pas renoncer trop vite, et bien sûr, à compter sur la complémentarité des regards, y compris celui de la personne concernée et de sa famille, pour répondre au mieux aux aspirations et aux besoins de soutien des personnes et construire avec elles, leur projet personnel. »

 

Professeur Vincent des Portes,
Neuropédiatre
Coordonnateur Filière de Santé DéfiScience

 

*Le groupe de travail pluridisciplinaire “Evaluation fonctionnelle des personnes avec déficience intellectuelle” a été constitué en 2018 au sein de la filière de santé DéfiScience, dédiée aux maladies rares du neurodéveloppement, afin d’harmoniser les pratiques de diagnostic, d’évaluation et de soins. Ce groupe de travail était constitué de psychologues, neuropsychologues, neuro-pédiatres, orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, psychiatres et pédopsychiatres, issus d’équipes travaillant auprès de publics variés, enfants ou adultes, avec des pratiques cliniques très diverses. Le pilotage et l’animation du groupe de travail ont été coordonnés par Aurore Curie, neuropédiatre et Nathalie Touil, neuropsychologue, qui sont ici chaleureusement remerciées.

« La nécessité d’un guide d’évaluation dans la déficience intellectuelle est particulièrement impérieuse, et ceci à plusieurs niveaux.

 

Dans le monde sanitaire, l’expertise a été développée en premier sur les maladies rares avec déficience intellectuelle. Or il est important de faire la différence entre les « spécificités d’un syndrome et ce qui est commun à toute déficience intellectuelle, quoique présent de façon personnalisée (intensité, impacts) pour chaque personne.

Dans le monde des structures de vie des personnes (depuis les établissements d’internats jusqu’à l’école), un guide est indispensable pour évaluer correctement les capacités et limites de la personne et adapter le projet personnalisé en conséquence.

 

Pour ce qui est des droits de la personne, le Geva (Guide d’EVAluation des besoins de compensation de la personne handicapée) ignore les déficits d’autonomie de la personne avec déficience intellectuelle (en particulier si elle est modérée), bloquant l’accès à des PCH (prestation de compensation du handicap) pourtant indispensables, en particulier dans le cadre du développement de l’inclusion. Un guide d’évaluation fonctionnelle doit fournir aux professionnels des outils pour préciser le besoin des personnes afin d’évaluer au mieux leurs besoins de soutien en leur fournissant les compensations adéquates. Enfin, on peut indiquer que ce guide doit permettre aux professionnels d’évaluer à la fois les éléments spécifiques à la DI et les troubles associés à la DI (en particulier d’autres troubles du neurodéveloppement) qui contribuent au handicap. »

 

Olivier de Compiègne
Président de l’Association
Xtraordinaire

 

« La pratique de tests d’évaluation n’est pas, à ce jour, la préoccupation des parents. Ils sont le plus souvent demandés par des professionnels qui travaillent avec l’enfant, notamment lorsqu’il s’agit d’orientation scolaire ou professionnelle (lors de la constitution d’un dossier MDPH par exemple).

 

Les évaluations pratiquées chez les personnes DI peuvent être faussées si on ne prend pas en compte leur manque d’habileté sociale. Un temps d’“apprivoisement” est souvent nécessaire pour que la personne participe aux tests dans un climat de confiance, notamment lorsqu’elle ne connaît pas l’évaluateur. Leur attention et leur concentration étant limitées, il est nécessaire de proposer les évaluations en plusieurs temps.

 

De plus, il faut faire attention dans la communication avec les parents. D’abord, dans l’explication au préalable du déroulé du test : il faut préciser ce qui est mesuré, et les enjeux du résultat de l’évaluation. Ensuite, sur les résultats du test : il y a des parents qui sont très touchés, voire heurtés par les résultats des tests
car ceux-ci peuvent être en total décalage avec la connaissance qu’ils ont de leur enfant. Le résultat des tests met souvent l’accent sur les limitations des capacités de la personne, et masquent ses points forts. On parle toujours de ce qui ne va pas, mais on ne met jamais en avant leurs possibilités, ce qui est dommage.

 

Ce guide offre un large panel d’outils aux professionnels. Ils pourront ainsi cerner davantage les besoins de la personne, et personnaliser l’accompagnement et les prises en charges nécessaires. Il me semble en effet intéressant que les professionnels puissent sortir de leurs “classiques” et aient la possibilité de s’ouvrir à des choses plus précises en fonction des typologies de déficience des personnes. »

Christine Kieffer
Présidente de l’Association Fragile X France

« Dans les établissements Médico-sociaux, nous avions pris du retard sur l’utilisation des évaluations.

 

Afin d’y remédier, nous avons, pour commencer, développé dans nos établissements la formation au questionnaire de Vineland qui permet d’évaluer les compétences adaptatives de la personne. Nous avons formé une grande partie de nos psychologues et chefs de service. Les nouvelles recommandations quant à l’utilisation de ce questionnaire sont désormais un réel appui dans la construction des projets personnalisés des personnes. En effet, cet outil permet vraiment de se baser sur les compétences fonctionnelles des gens pour fixer leurs objectifs. Nous avons choisi la Vineland en particulier pour sa rapidité de passation, car nous avons une réelle problématique : le temps disponible des psychologues. Les informations sur la passation (conditions, personne responsable, public, préconisations) sont vraiment essentielles.

 

De plus, on n’arrive pas toujours à trouver des outils adaptés à toutes les populations. Ce guide des évaluations est un outil précieux car il liste les évaluations adaptées en fonction des besoins que l’on repère pour chaque personne.

 

Notre objectif est de pouvoir faire et refaire des évaluations à chaque fois qu’une nouvelle question se pose dans le parcours de la personne. Pour l’instant, nous avons surtout accès à des tests diagnostiques pour les TSA. Ce serait bien de pouvoir avoir accès à ce type d’outils pour les tout petits.

 

Afin qu’elles soient opérationnelles, il serait intéressant d’avoir des exemples de grilles d’analyse fonctionnelle, c’est-à-dire des grilles d’analyse de la fonction d’un comportement-problème (est-ce une douleur, une recherche d’attention, une manifestation de frustration ?). Aujourd’hui, chaque établissement construit sa grille, mais il y a un réel besoin d’harmonisation en utilisant des outils validés et partageables. Il faudrait des grilles simplifiées qui répondent à tous les profils de personnes
accompagnées (notamment les personnes en situations de polyhandicap) et qui soient faciles à analyser. Malheureusement, nos outils habituels comme la Vineland ne sont pas adaptés à ces profils. »

 

A. Manto-Lebas
Directrice générale Adjointe de l’Adapei 69

De nombreux termes différents ont été utilisés au cours du temps pour désigner la Déficience Intellectuelle : oligophrénie, idiotie, imbécilité, débilité mentale, handicap mental, arriération mentale, retard mental [1]. Le terme actuellement le plus utilisé est celui de “Déficience Intellectuelle” (DI) qui a remplacé le terme de “retard mental”. Il traduit tout à  fait parfaitement le concept anglais d’“Intellectual Disability”, qui est beaucoup plus large et recouvre à la fois les notions de déficit, incapacité et handicap. Le terme “handicap mental”, encore souvent utilisé, souligne les difficultés adaptatives et sociales associées à la DI [2]. Les personnes DI préfèrent qu’on utilise le terme de “personne handicapée intellectuelle” [3]. Dans la 11e révision de la Classification Internationale des Maladies (CIM 11) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui a été adoptée et entrera en vigueur au 1er/01/2022, leterme de “Trouble du Développement Intellectuel” (TDI) a été introduit [4]. Celui-ci nous semble particulièrement intéressant, car reflétant mieux la trajectoire développementale des patients, et ayant une connotation moins négative que le terme « déficience ». La 5ème édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, DSM-5, 2013), qui décrit précisément chacun des troubles mentaux, utilise indifféremment les deux termes DI et TDI [5].

Trois organisations internationales sont impliquées dans la définition de la DI : l’OMS (avec la CIM-11, 2019) [4], l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD) [6], et l’APA (American Psychiatric Association) avec le DSM-5 (2013)[5]. Les trois instances (CIM-11, AAIDD et DSM-5) s’accordent sur les 3 critères diagnostiques suivants.

Un déficit des fonctions intellectuelles, telles que le raisonnement, la résolution de problèmes, la planification, la pensée abstraite, le jugement, et l’apprentissage. Ce déficit est confirmé par une évaluation clinique, et par une évaluation intellectuelle individualisée et standardisée (test psychométrique ou test d’intelligence, dont les plus utilisés sont les échelles de Wechsler adaptées à l’âge), permettant d’objectiver une différence significative des capacités cognitives d’un individu par rapport à ce qui est attendu pour son âge réel, avec un Quotient Intellectuel (QI) inférieur à -2 déviations standards (soit QI ≤ 70, +/-5 c’est-à-dire la marge d’erreur de mesure).

Un déficit du fonctionnement adaptatif, dans au moins une des trois dimensions (habiletés conceptuelles, sociales et pratiques), de sévérité suffisante pour nécessiter un besoin de soutien. Le fonctionnement adaptatif est évalué cliniquement et à l’aide de mesures standardisées (Echelle de Vineland II) qui peuvent être réalisées avec un aidant qui connaît bien le patient (parent…). Sans soutien, les déficits du fonctionnement adaptatif limitent le fonctionnement dans un ou plusieurs domaines de la vie quotidienne tels que la communication, la participation sociale, les habiletés de vie autonome dans divers environnements (domicile, école, travail, culture et loisirs).

Ces déficits touchant les habiletés intellectuelles et adaptatives doivent apparaître pendant la période développementale, c’est-à dire durant l’enfance ou l’adolescence. L’AAIDD précise qu’ils doivent apparaître avant l’âge de 18 ans, tandis que le DSM-5 ne mentionne pas un âge particulier.

Dans la définition et l’évaluation de la DI, l’AAIDD [6] souligne que des facteurs supplémentaires doivent être également pris en compte, tels que les caractéristiques du groupe d’âge de la personne, et de son environnement linguistique et culturel. Par ailleurs, elle souligne l’importance de partir du principe que les limitations de la personne (ou faiblesses) coexistent aussi avec des forces (compétences préservées ou moins altérées). La description des limitations est importante pour déterminer le type de soutien requis. Enfin, le niveau
de fonctionnement de la personne s’améliorera si un soutien personnalisé approprié est fourni sur une période prolongée, en la positionnant comme partenaire à part entière dans la construction de son devenir.

 

Initialement, la gravité de la DI était définie en fonction des résultats obtenus aux tests psychométriques (test de QI), comme par exemple dans les versions précédentes des classifications (telles que la CIM-10, ou le DSM-IV). Classiquement, on distinguait : DI légère lorsque le QI était compris entre 50 et 69, DI modérée lorsque le QI était compris entre 35 et 49, DI grave (“severe” en anglais) pour laquelle le QI était compris entre 20 et 34, DI profonde où il est inférieur à 20 [7, 8]. Plus récemment, e DSM-5 définit une classification de la gravité de la DI à partir du comportement adaptatif (conceptuel, social et pratique), tout en gardant les 4 mêmes niveaux de sévérité (DI légère, modérée, grave, et profonde) [5]. L’objectif principal de la classification du DSM-5, tout comme de l’AAIDD est d’évaluer la sévérité du trouble en se basant sur les besoins de soutien de la personne, qui découlent de ses compétences adaptatives et de ses fragilités [1]. En effet, les besoins de soutien d’une personne DI varient de façon très importante en fonction de la sévérité de celle-ci.

Ainsi, les personnes avec une DI légère, peuvent le plus souvent accéder à un niveau scolaire élémentaire, voire au-delà avec un niveau de soutien suffisant. Dans de nombreux cas, elles peuvent vivre de façon autonome au sein de leur communauté avec un niveau minimal de soutien, et accéder à un emploi à l’âge adulte. Elles peuvent avoir besoin d’aide pour gérer leur budget, faire des courses ou utiliser les moyens de transport en commun.

Les personnes avec une DI modérée accèdent à des acquis scolaires et à un niveau de communication, variables mais qui se limitent généralement aux compétences de base. La plupart des activités de soins corporels quotidiens peuvent être exécutées, mais peuvent nécessiter un étayage et un soutien prolongés. Un emploi indépendant peut être obtenu dans des postes qui exigent des compétences conceptuelles ou sociales limitées. La vie autonome peut être réalisée avec des niveaux de soutien modérés, tels que ceux offerts dans des foyers de groupe.

Les personnes avec une DI sévère acquièrent des compétences en communication très élémentaires et limitées. Les activités d’autogestion de la santé nécessitent une aide quotidienne. De nombreuses personnes dans cette catégorie ont besoin d’un environnement supervisé pour assurer leur sécurité et d’un soutien quotidien. La résidence dans un logement assisté est généralement nécessaire.

Les personnes avec une DI profonde dépendent des autres pour tous les aspects des soins quotidiens. Les compétences en communication sont très limitées. Elles nécessitent habituellement un soutien 24 heures sur 24. Des limitations sensorielles ou physiques sont souvent associées. En effet, une personne polyhandicapée (c’est-à-dire avec une déficience motrice et intellectuelle sévère) nécessitera par exemple une aide en permanence y compris pour manger et prendre soin de son corps (hygiène corporelle).

Cette approche fonctionnelle rejoint l’approche actuelle du handicap, qui ne résulte pas directement et exclusivement d’une déficience, mais de l’interaction entre une vulnérabilité individuelle et un environnement, qui peut être obstacle ou facilitateur. La CIM-11 quant à elle, retient également une classification en 4 niveaux de sévérités, basée sur la sévérité de l’atteinte du fonctionnement intellectuel et adaptatif, mesurée par des tests standardisés et normés ou sur des indicateurs cliniques comportementaux appropriés si ces tests ne sont pas disponibles [4]. On note cependant que la différence entre DI grave et profonde ne peut être basée que sur le comportement adaptatif, car les échelles psychométriques ne permettent pas cette distinction.

La distribution théorique du Quotient Intellectuel (QI) selon une courbe de Gauss indique que 2.5 % de la population aurait un QI inférieur à 70. L’évaluation des capacités adaptatives qui fait intégralement partie de la définition retenue de la DI, n’a malheureusement pas été réalisée dans la plupart des études s’intéressant à la prévalence de la DI. On peut retenir une prévalence de 0.3 à 0.4 % pour la DI sévère, tandis que la prévalence de la DI légère qui est un peu plus hétérogène varie entre 1 et 1.8 % [1].

Le développement des techniques de génétique (notamment de l’Analyse Chromosomique sur Puce à ADN (ACPA ou CGH array), puis des techniques de séquençage de nouvelle génération (NGS) avec les panels, puis l’exome et le génome) a permis d’améliorer le rendement diagnostique. Il est en effet maintenant possible d’arriver à un diagnostic étiologique pour une DI modérée à sévère dans 60 à 70 % des cas [9]. Le rendement diagnostique est moins élevé dans la DI légère, pour laquelle les facteurs psycho-sociaux (niveau socio-économique, niveau d’étude des parents) et environnementaux jouent un rôle plus important, ce qui n’est pas le cas dans la DI sévère.

Dans les principales causes de DI on distingue classiquement les causes environnementales qui représentent environ 15 à 20 % des causes de DI (embryofoetopathie infectieuse à CMV, rubéole ou toxoplasmose par exemple, ou exposition anténatale à un toxique comme le syndrome d’alcoolisation foetale, ou encore les conséquences d’une pathologie maternelle pendant la période anté-natale comme l’hypothyroïdie ou l’hyperphénylalaninémie maternelle, la grande prématurité et l’anoxo-ischémie à terme, ou encore en post-natal une noyade, une encéphalite, un traumatisme crânien ou une tumeur cérébrale) ; et les causes génétiques qui sont les plus fréquentes (environ 50 % des causes de DI) et comprennent les anomalies
chromosomiques (comme la trisomie 21 par exemple, ou les syndrome microdélétionnels), les anomalies monogéniques (telles que le syndrome de l’X fragile par exemple) [10]. Près de 1000 gènes différents sont impliqués dans la DI.

L’évaluation psychologique est nécessaire pour poser le diagnostic positif de DI. L’évaluation de l’efficience intellectuelle et des capacités adaptatives permet d’affirmer le diagnostic de DI. Toute personne DI doit pouvoir bénéficier d’une évaluation avec des outils adaptés et validés, en tenant compte de son niveau de fonctionnement (DI légère, modérée ou sévère), de la présence d’un trouble associé (trouble du spectre de l’autisme, problème visuel, auditif ou moteur). Il est important de tenir compte des particularités de fonctionnement (accès au langage oral, nécessité d’une évaluation non verbale, prise en compte des particularités sensorielles, de la fatigabilité), et d’aménager le cadre de passation (pauses, encouragements, utilisation des renforçateurs, planning visuel, soutien par des gestes ou des images des consignes verbales).

L’évaluation pluridisciplinaire est nécessaire pour aider à l’orientation scolaire et professionnelle des personnes DI. En effet, en fonction de la sévérité de la DI et des troubles associés, l’enfant sera plutôt scolarisé en milieu ordinaire avec des adaptations pédagogiques, des aides humaines (Auxiliaire de Vie Scolaire, AVS, ou Accompagnant des élèves en Situation de Handicap, AESH) et/ou du matériel pédagogique adapté (ordinateur, tablette de communication) ; en SEGPA (Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) en cas notamment de DI légère ; en ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire) école/collège/ lycée avec des classes à effectif restreint (12 élèves maximum) et des temps d’inclusion en milieu ordinaire ; en ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) lorsque des troubles du comportement perturbent gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages ; dans le cadre d’UE (Unité d’Enseignement) ou dans le cadre du dispositif de scolarisation des IME (Institut Médico- Éducatifs). En cas d’atteinte motrice associée à l’atteinte cognitive, un IEM (Institut d’Education Motrice) est plus adapté. La transition vers le monde des adultes doit être anticipée, avec un accompagnement spécifique à l’élaboration du projet de vie par l’adolescent. Des ULIS-PRO, généralement situées dans un lycée professionnel, sont destinées à prolonger les actions éducatives et faciliter les passages vers l’emploi ou une activité non salariée (ex. Centre d’Accueil de Jour) en cas de capacités trop fragiles. Des dispositifs d’aide sont aussi fournis jusqu’à l’âge de 20 ans par les Services d’Education Spéciale et de Soins A Domicile (SESSAD), ainsi qu’à l’âge adulte, par les Services d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) ou les Services d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH).

L’évaluation multidimensionnelle personnalisée est nécessaire pour aider à construire le projet de vie de la personne DI dans une optique d’autodétermination. En effet, l’évaluation doit toujours se faire en lien avec le projet de vie de la personne, en abordant l’ensemble des domaines de développement. Elle doit permettre, en évaluant les compétences de la personne, de comprendre ses forces et ses fragilités, ce qui est indispensable pour construire un projet de vie adapté. En effet, le projet pédagogique, éducatif et rééducatif doit partir des centres d’intérêt des personnes DI en s’appuyant sur leur motivation, et sur les compétences les plus préservées (forces), afin de créer une boucle de développement positive, de confiance en soi et de renforcement dans ses propres compétences, tout en prenant en compte les fonctions déficitaires (faiblesses). Il est intéressant de noter qu’une personne ayant une DI peut avoir un trouble de développement plus marqué d’une ou plusieurs fonctions cognitives (langage, traitement visuo-spatial, motricité, attention et fonctions exécutives, cognition sociale, etc.) que ne le voudrait son niveau de compétences intellectuelles. Pour éviter toute confusion, on réservera le terme dys (dysphasie, dyslexie, dyspraxie, dyscalculie…) aux enfants ayant des compétences intellectuelles préservées (c’est-à-dire sans DI). En cas de DI, le déficit spécifique de telle ou telle fonction cognitive peut être décrit de la façon suivante : “DI associée à un trouble du langage oral et/ou un trouble des praxies gestuelles ou un trouble visuo-constructif, et/ou un trouble attentionnel”… L’existence de ce déficit cognitif associé à la DI justifie une rééducation ciblée (orthophonie, ergothérapie, remédiation cognitive…) comme pour les enfants présentant des troubles spécifiques sans DI. De même, en cas de trouble attentionnel très marqué, il est possible d’envisager un traitement par méthylphénidate par exemple. Par ailleurs, la planification en petits objectifs en fonction du projet de vie, la possibilité pour la personne d’expérimenter, d’avoir des réussites mais aussi des échecs, d’avoir de l’aide pour analyser ses réussites et échecs, de s’auto-évaluer et, in fine de mieux connaître ses propres limites et compétences, de mieux se connaître permettra la mise en place des conditions de réussite et le développement du pouvoir d’agir des personnes, comme pour tout un chacun.

Le diagnostic positif de DI sera affirmé à des âges différents en fonction de la sévérité de la DI. En cas de DI sévère ou profonde, le diagnostic positif de DI sera affirmé avant l’âge de 3 ans [1]. En revanche, en cas de DI modérée, celui-ci ne pourra être confirmé que vers l’âge de 5 ans avec la réalisation d’une première psychométrie et d’une évaluation des fonctions adaptatives. Enfin, en cas de DI légère, le diagnostic sera fait plus tardivement (en école élémentaire ou au collège) car ce n’est qu’avec l’augmentation du niveau de difficulté de ce qui est demandé à l’enfant que l’écart par rapport aux enfants à développement ordinaire se révèlera. Une évaluation psychométrique et des capacités adaptatives permettront de confirmer le diagnostic.

L’évaluation des personnes DI est particulièrement importante à certains âges clés : notamment, au moment de l’orientation éventuelle vers une scolarité adaptée (vers 5 6 ans lorsque l’enfant est en grande section de maternelle, puis en fin de primaire vers 10-11 ans), puis pour préparer l’insertion professionnelle. Elle peut être également envisagée à d’autres moments en fonction du contexte clinique et des besoins. Par exemple, en cas de doute entre un syndrome multi-dys sévère et une DI, il peut être très intéressant de proposer une ré-évaluation diagnostique, notamment lorsque le profil du patient est hétérogène, et/ou dans les limites de la norme.

En cas d’apparition de troubles du comportement, il est important d’évaluer la personne DI. Il convient en effet de voir si le projet est adapté aux capacités de la personne, si l’environnement est adapté, ou encore s’il existe une douleur dont les troubles du comportement ne seraient que l’expression.

Enfin, il convient également de mentionner l’importance de l’évaluation en cas de perte d’autonomie ou de déclin cognitif, tout particulièrement chez les sujets DI vieillissants.

L’une des 10 propositions retenues à la suite des Etats Généraux de la Déficience Intellectuelle qui ont eu lieu à Paris en janvier 2018, insistait sur la nécessité d’accéder à une évaluation multidimensionnelle des forces et des fragilités de la personne DI. Ce guide, à destination de tous les professionnels impliqués dans l’accompagnement des personnes DI, apparaît comme un outil opérationnel en réponse à cette proposition, afin d’améliorer l’évaluation multidimensionnelle des personnes DI pour permettre une meilleure prise en charge dans une dynamique de projet de vie.

 

L’objectif principal de ce guide est de proposer des tests adaptés en fonction de la sévérité de la DI pour évaluer chacun des domaines de l’évaluation multidimensionnelle d’une personne DI : Efficience intellectuelle, Compétences adaptatives, Échelles développementales, Psychopathologie et troubles du comportements (tests projectifs et personnalité, troubles du comportement), Langage (questionnaires parentaux, communication prélinguistique, langage oral réceptif et expressif, langage écrit, pragmatique), sensori-motricité et coordination motrice, fonctions cognitives spécifiques (attention et fonctions exécutives, mémoire, visuo-spatial, mathématique, cognition sociale), dépistage et diagnostic des TSA, qualité de vie et douleur (qualité de vie de la personne DI, qualité de vie familiale, douleur). Il est le fruit d’un travail multidisciplinaire coordonné par la filière DéfiScience.

1. Inserm, Déficiences Intellectuelles. Collection Expertise collective, ed. M.E. Sciences. 2016. 1157.
2. UNAPEI. Fédération d’associations françaises de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées
et de leurs familles.
3. Association Nous aussi. Association française des personnes handicapées intellectuelles.
4. CIM-11, Classification Internationale des Maladies, 11e édition. Ed. O.M.d.l. Santé 2019. www.who.int/classifications/icd/en/.
5. (APA), A.P.A., Diagnostic and statistical manual of mental disorders, fifth edition, DSM-5. 2013.
6. American Association on Intellectual and Developmental Disabilities, A., Intellectual Disability: Definition, Classification,
and Systems of Supports-11th Edition. 2010. www.aaidd.org/intellectual-disability/definition.
7. Diagnostic and Statistical Manual of mental disorder : DSM-IV. American Psychiatric Association, Washington, DC., 1994.
8. CIM-10, Classification Internationale des Maladies, 10e édition, ed. O.M.d.l. Santé 2008. www.who.int/classifications/icd/en/.
9. Vissers, L.E., et al. Nat Rev Genet, 2016.Genetic studies in intellectual disability and related disorders. 17(1): p. 9-18.
10. Curie, A., Des Portes, V. Chapitre 2 : Déficiences Intellectuelle ou trouble du développement intellectuel. Handicaps de
l’enfant. Pages 9-26.